Hausse du prix du gasoil, les entreprises de pêche tirent le signal d’alarme

En 30 ans, la flotte de pêche professionnelle française a réalisé un effort drastique d’adaptation de sa capacité de capture à la durabilité des ressources qu’elle peut pêcher. Elle a fondu de 9.300 bateaux à 6.000 actuellement. Les entreprises de pêche françaises, qui sont déjà soumises à des réglementations de tout ordre qui n’ont que très peu d’équivalent, qui désespèrent les entreprises et pèsent sur les coûts, voient actuellement leur viabilité économique devenir encore plus incertaine. Si rien n’est fait pour les sauver, des ruptures très brutales interviendront rapidement sur l’ensemble des littoraux français.

Particulièrement concernée, la flotte de pêche hauturière, 430 navires qui assurent encore une fraction plus que majoritaire des débarquements de poisson d’origine française. La nouvelle hausse du prix du gasoil de cet été, couplée au plafonnement des soutiens destinés à alléger les surcoûts provoqués par la guerre en Ukraine, et la stagnation du marché du poisson depuis le début 2023, menacent à très court terme 60 % des apports de la pêche française. A l’approche des assises de la pêche et des produits de la mer qui se tiendront les 21 et 22 septembre prochain, l’UAPF et l’ANOP appellent à une prise de conscience et une action concrète des pouvoirs publics.

Des aides en forme de trompe l’œil

Le carburant représente le premier poste de dépense pour une entreprise de pêche (hors salaires). Depuis le début Août, le prix du gasoil professionnel tend à rejoindre son plus haut niveau atteint (plus de 0,80€/litre en Europe, et plus ailleurs). Un niveau qui avait déjà été atteint en mars 2022 au début de la guerre en Ukraine, et qui avait amené l’Etat à réagir avec la mise en place d’un soutien de 0,35 €/litre. Techniquement, cette aide a été prorogée au niveau de 0,20 €/litre jusqu’au 15 octobre 2023. Mais sur le papier seulement pour de nombreuses entreprises de pêche hauturière. Dans les faits, en raison d’un plafonnement spécifique lié au nombre et à la taille des navires de pêche, beaucoup de ces entreprises n’y ont pas ou plus accès. Ce plafonnement est six fois inférieur à celui auquel sont soumises les entreprises ordinaires des autres secteurs de l’économie faisant de la pêche le parent pauvre des aides gouvernementales soutenant les entreprises face aux conséquences de la guerre en Ukraine. A titre d’exemple, les entreprises de pêche fraiche exploitant 3 à 4 chalutiers de 20-25 mètres ne sont plus soutenues depuis le début d’année 2023. Celles en exploitant deux ne le sont plus depuis cet été, ou vont le devenir très bientôt. Évidemment cette impossibilité d’accéder à toute forme de soutien est bien plus ancienne pour les entreprises exploitant plus de navires ou de tailles plus importantes.

La hausse des charges loin d’être compensée par la valorisation des productions

Dans un contexte d’inflation galopante sur les produits alimentaires qui frappe les ménages depuis plusieurs mois, le marché des produits de la mer connait en France une baisse des volumes commercialisés. Conséquence en apparence contradictoire dans des marchés normalement orientés par l’offre, les prix moyens de vente des poissons négociés aux enchères reçus par les entreprises de pêche sont en baisse, et les marchés sont atones ou erratiques. En d’autres termes, la hausse brutale des charges supportées par les entreprises de pêche pour approvisionner la filière n’a pas été répercutée dans les prix de valorisation de leurs produits, à contrario de la plupart des autres filières agroalimentaires. Si les choses n’évoluent pas, on peut craindre que les marchés continuent de se détourner de la pêche française, pour privilégier les importations moins chères, car ne respectant pas nécessairement les mêmes standards sociaux et réglementaires. En substance, l’accélération du délitement de la filière des pêches françaises.

Sans réelle prise de conscience à la hauteur de l’état d’urgence, la pêche Française se meurt

L’UAPF et l’ANOP représentent et défendent les entreprises de pêche françaises. Elles souhaitent que cette industrie singulière, patrimoniale et unique puisse perdurer. L’heure est à la prise de conscience : la pêche française est mise à mal et fragilisée par des crises successives au cours des toutes dernières années (COVID, BREXIT, choc initial de la guerre en Ukraine…). Si rien n’est fait très rapidement, cette industrie menace de disparaitre, et certains de ses fournisseurs et clients avec. A l’approche des assises de la pêche et des produits de la mer, l’UAPF et l’ANOP exhortent à une prise de conscience et des réponses concrètes des pouvoirs publics.

 

Xavier Leduc, Président de l’UAPF

Jacques Pichon, Président de l’ANOP